Les principes qui doivent être utilisés afin de concilier les droits ultérieurs du peuple palestinien avec droits antérieurs du peuple juif
Allen Z. Hertz a été conseiller principal au Bureau du Conseil Privé au service du premier ministre du Canada et le Cabinet fédéral. Il a auparavant travaillé au Ministère des Affaires étrangères et plus tôt enseigné l'histoire et le droit aux universités à New York, Montréal, Toronto et Hong Kong. Il a étudié l'histoire et des langues européennes à l'Université McGill (B.A.), puis l'histoire ottomane et de l'Europe de l'Est à l'Université Columbia (M.A., Ph.D.). Il a également diplômes en droit international public de l'Université de Cambridge (LL.B.) et l'Université de Toronto (LL.M.). Versions antérieures de cet article sont parues en anglais dans American Thinker, Israel Resource Review, Winnipeg Jewish Review, Jerusalem Post, et à www.aish.com. Une version plus detaillée en anglais se trouve sur ce site, sous octobre 2011.
Avant-Propos
Dans la discussion qui suit, "un peuple" est entendu sociologiquement et historiquement dans le contexte de la doctrine politique et juridique de l'auto-détermination des peuples. Et on utilise "le peuple autochtone" à designer parmi les peuples actuels d'un pays ou d'une région, lequel qui est chronologiquement la "première nation" en terre, tout comme les tribus indiennes sont au point de temps les premières nations d'Amérique du Nord. Ce veut dire que par rapport au pays ou territoire particulier, on distingue le peuple autochtone d'autres peuples, de cultures différentes, qui subséquemment: se forment en terre et deviennent prédominants; ou arrivent de dehors par la conquête, l'occupation, la colonisation ou d'autres moyens. Dans certains pays on remplace l'expression "autochtone" par le terme "aborigène" ou dans le contexte international contemporain par "indigène."
La patrie autochtone du peuple juif
Cela fait plus de 60 ans qu’on dispute de la réticence de la plupart des Musulmans et des Arabes à accepter la légitimité et la permanence d'Israël comme l'Etat juif, c’est-à-dire comme l'expression politique de l'auto-détermination du peuple juif dans une partie de sa patrie autochtone. Couvrant de la mer Méditerranée jusqu’aux territoires à l'est du Jourdain, la grande patrie autochtone du peuple juif est connue depuis plus de deux mille ans comme "la terre d'Israël",
Eretz Yisrael en hébreu. Pour les Chrétiens, cette même
Eretz Yisrael s’appelle "la Terre Sainte" ou "la Palestine" qui figurait sur les cartes européennes et américaines du 17e à 19e siècle, invariablement comprenante les terres situées à l'est du Jourdain.
Les Juifs constituent "un peuple"
Yasser Arafat, Mahmoud Abbas et Mahmoud Ahmadinejad ont toujours nié que les Juifs constituent "un peuple" dans le contexte de la doctrine moderne, politique et juridique des droits autochtones et de l'auto-détermination des peuples. Cependant, il y existe une énorme quantité de preuves historiques, archéologiques et autres qui démontre que le peuple juif, comme le peuple grec ou le peuple chinois Han, compte parmi les plus anciens peuples du monde. En fait, les peuples européens modernes ont probablement appris de l'exemple biblique du peuple juif ce que signifie d'être "un peuple dans l'histoire."
Qu'est ce qu'un peuple?
Lorsqu’il choisit de se définir systématiquement comme peuple spécifique, un groupe humain se dote d'un nom particulier (par example, יְהוּדִים =
Yhudim = les Juifs) et d’une gamme variable de caractéristiques relativement distinctes, y compris les ancêtres, l'histoire, la patrie, le territoire, la langue, la religion, la littérature, le culture, l'économie, et les institutions. En plus de son identité subjective, un peuple aussi s’attire généralement une identité objective par le regard de ses amis et de ses ennemis, qui fournissent souvent de précieux témoignages historiques de son existence et de ses caractéristiques.
Cette référence à des preuves historiques est essentielle, car les doctrines des droits autochtones et de l'auto-détermination des peuples ne peuvent s'appliquer rétroactivement. Cela signifie qu'un peuple actuel, sans une identité continue qui remonte à l'époque des faits historiques pertinents, ne peuvent aujourd'hui faire aucune revendication autochtone ou autre relative à cette période antérieure à son ethnogenèse, c’est-à-dire quand il ne s’identifiait pas encore comme ce même peuple. De fait, de nouveaux peuples émergent sans cesse, alors que d’ancien peuples peuvent disparaître, même si leurs gènes et leurs caractéristiques culturelles peuvent dans une certaine mesure persister dans les populations d'un ou plusieurs autres peuples.
Toujours les Juifs en Terre Sainte?
Bien que la démographie du monde antique est un jeu de devinettes, les Juifs ont probablement numéroté plusieurs millions dans l'Empire romain et au-delà. Pour plus d'un siècle avant la destruction du second temple de Jérusalem en l'an 70 de l'ère commune, la plupart des Juifs ont préféré demeurer en divers endroits autour de la Méditerranée et au-delà, plutôt que dans leur pays autochtone. Les Juifs néanmoins encore constituaient la majorité de la population en Terre Sainte peut-être aussi tard que la fin du 6e siècle de l'ère commune.
Bien que certains Juifs ont toujours préféré rester dans leur patrie autochtone, d'autres ont été continuellement en mouvement dans et hors -- un modèle migratoire qui perdure jusqu'à ce jour. Dans ce contexte, le Moyen-Orient plus large a toujours eu une importante population juive, et ce jusqu'au milieu du 20e siècle. De nombreux descendants de ces Juifs du Moyen-Orient sont des citoyens de l'Israël actuel, où ils ont été rejoints par des Juifs venant d'autres continents.
La Bible juive, les évangiles chrétiens et le Coran musulman se réfèrent tous au peuple juif et sa connexion à la Terre Sainte. Depuis l'antiquité, il n'y a jamais eu moment où les Juifs étaient absents de la Terre Sainte. Même lorsque le nombre de juifs a diminué au point bas, la Terre Sainte était encore la maison aux rabbins célèbres dans le monde juif. Avec au moins 2,600 ans d'histoire continue, le peuple juif conserve une identité subjective et objective qui a toujours incluse des liens démographiques et culturels à sa terre natale.
Dans les quatre premiers siècles de l'ère commune, les Juifs de la Terre Sainte ont joué un rôle clé dans la civilisation juive mondiale, y compris l'achèvement du
Talmud de Jérusalem. Les documents de la Geniza du Caire en disent long sur la vie juive en Terre Sainte à partir de la conquête musulmane au début du 7e siècle à la victoire des Croisés en 1099 de l'ère commune. Au cours de la période des Croisades, Acre fut centre important pour les Juifs, un sujet sur lequel nous apprenons à partir d'une variété de sources, y compris les comptes par les voyageurs juifs Benjamin de Tudela et le rabbin Petachia de Ratisbonne qui écrivaient dans le 12e siècle.
Pendant la période mamelouke (1250-1516), Jérusalem était le siège d'un député au
naguid égyptien qui a dirigé toutes les communautés juives du sultanat. Les Juifs en Terre Sainte de XVe siècle figurent également dans les lettres du Rabbin Obadiah ben Abraham Bertinoro et les récits de voyage de pèlerins chrétiens comme Arnold van Harff, Félix Fabri et Martin Kabatnik.
Encore plus riches sont des sources des quatre siècles ottomans se terminant en 1917. Par exemple, du 16e siècle il y a des registres ottomans fiscaux qui détaillent les noms des contribuables juifs. Preuve vient aussi de documents tels que des livres de compte de la communauté juive de Jérusalem au 18e siècle. Avec le 19e siècle, les livres de voyage et des rapports consulaires se joindre au flot d'autres sources au sujet des Juifs locaux qui ont aussi leurs propres histoires racontées. Bien que le nombre de juifs a grandi absolument, ils n'étaient qu'une fraction de la population totale, ce qui -- y compris les Musulmans et les Chrétiens -- est encore restée étonnamment faible, et certainement beaucoup plus bas que dans l'Empire romain.
Droits autochtones du peuple grec
Le peuple juif moderne est autochtone à sa patrie ancestrale de la même manière que le peuple grec est autochtone à la Grèce. Au début du 19e siècle, certains Européens célèbres comme le poète anglais Lord Byron se sont faits les champions enthousiastes des droits autochtones du peuple grec. C'est en partie pour cette raison, quelques-unes des puissances européennes sont intervenues pour aider les Grecs gagner leur indépendance de l'Empire ottoman. En 1821, lorsque les Grecs ont commencé leur révolte contre la domination ottomane, ils étaient probablement en minorité dans le territoire qui constitue aujourd'hui la Grèce.
Après la Première Guerre mondiale (1914-1918), le Premier ministre britannique David Lloyd George a en vain soutenu les droits autochtones du peuple grec sur le littoral anatolien, où de grandes communautés grecques avaient vécu de manière continue depuis l'antiquité jusqu'en 1922, lorsqu’elles ont finalement été détruites par les Turcs, qui eux ne sont pas autochtones à l'Anatolie. Aux 19e et 20e siècles, l'histoire grecque moderne a été faite en partie par les centaines de milliers de Grecs de la diaspora qui ont choisi de graduellement retourner dans leur patrie autochtone.
Droits autochtones des "Premières nations"
Conceptuellement, le peuple juif est autochtone dans sa patrie ancestrale de la même manière que les Premières nations ou tribus indiennes sont autochtones à leurs terres ancestrales dans les Amériques. Le peuple juif moderne revendique des droits autochtones et à la fois issus de traités à une partie de sa patrie ancestrale. Les droits autochtones et issus de traités sont également revendiqués par les peuples autochtones du Canada, y compris les Premières nations. Ils croient fermement que leurs droits souverains sur leurs terres tribales remontent à la nuit des temps, c'est à dire bien avant les origines du droit canadien, européen et international. De la même façon, la revendication autochtone du peuple juif remonte à l'antiquité -- bien antérieure à la naissance post-classique de l'Europe et de la civilisation islamique.
Tribunaux de "common law" ont commencé à reconnaître les droits autochtones dans le 19e siècle. A partir de 1982, les droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada sont encadrés explicitement dans la Constitution du Canada. La Cour suprême du Canada a décidé que, lorsqu'une Première nation entretient des liens démographiques et culturels avec sa terre ancestrale, le titre autochtone -- y compris les droits à l'autonomie gouvernementale -- peut survivre de changements de souveraineté et de l'afflux d'une population nouvelle majoritaire, résultant de la conquête étrangère. En traitant les revendications de tous les côtés, la Cour cherche à concilier les droits ultérieurs des nouveaux arrivants avec les droits antérieurs des autochtones, ce qui veut dire les droits d'une Première nation. Le concept des droits autochtones est également sujet important juridique en Australie, Nouvelle-Zélande et aux États-Unis, et reçoit désormais plus d'attention au niveau international.
Pertinent est la comparaison entre les droits autochtones des Premières nations des Amériques et ceux du peuple juif. Entre la mer et le Jourdain, "le grand peuple juif" est la tribu autochtone et "le grand peuple arabe" est des colons, y compris les plus récents vagues d'immigration arabe dans les 19e et 20e siècles. Que ce soit il y a mille ans ou aujourd'hui, les Juifs retournant à rejoindre d'autres Juifs en Terre Sainte ne sont pas comme "Pères pèlerins" du 17e siècle qui n'avaient ni antécédents ni de parenté dans le Nouveau Monde.
Droits autochtones du peuple juif
Eretz Yisraël a toujours été un élément important dans la religion du judaïsme. En termes profanes, la Cour suprême du Canada verrait ce phénomène religieux comme une preuve anthropologique et historique de l'importance durable de ce pays spécifique dans la culture de cette tribu particulière, à savoir le peuple juif. Comme le peuple grec et les Premières nations d'Amérique du Nord, le grand peuple juif pendant plus de deux millénaires a constamment affirmé sa relation culturelle et démographique avec sa patrie autochtone.
De tous les peuples qui existent aujourd'hui, le grand peuple juif est certainement lequel avec la réclamation la plus forte d'être autochtone à la Terre Sainte, où le judaïsme, la langue hébraïque, et le peuple juif sont nés
(ethnogenèse) voici au moins 2,600 ans. Avant cela, la Terre Sainte était entre autres le foyer d’ancêtres immédiats du peuple juif, y compris de personnalités célèbres comme les rois David et Salomon de la Bible juive.
A cette époque, et même auparavant, la Terre Sainte était également le foyer d'autres peuples, comme les Phéniciens, les Ammonites, les Moabites, les Edomites ou les Philistins, qui ont depuis longtemps complètement disparu du monde, et dont personne aujourd'hui ne s’attend à voir leurs soi-disant "descendants" pour la première fois concocter des réclamations en leur nom, seulement sur base génétique ni établie ni confirmée.
Que dire alors de ce personnage dramatique de l’histoire du monde connu comme "le peuple arabe"? En tant que tel, le grand peuple arabe est autochtone à l’Arabie, et non à la Terre Sainte. Le judaïsme, la langue hébraïque et le peuple juif étaient déjà établis en Terre Sainte depuis un millier d'années avant que l’ethnogenèse en Arabie du grand peuple arabe, dont la naissance était à peu près contemporaine de l'émergence de l'islam et de la langue arabe classique, qui ne prenne place avant le 7e siècle de notre ère. Malgré leur persécution périodique des Juifs locaux et la constante discrimination, ni le peuple arabe de la conquête du 7e siècle, ni les envahisseurs ultérieurs n’ont réussi à éradiquer la population juive locale ou à mettre fin aux liens entre le grand peuple juif et la Terre Sainte.
Aujourd'hui, les juifs ne sont plus en minorité entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Cela signifie que le peuple juif peut désormais s'appuyer de plus sur la doctrine de l'auto-détermination des peuples qui attribue de territoire en fonction du caractère ethnique de la population locale actuelle. Dans le même temps, le peuple juif continue d'affirmer ses droits autochtones avec référence spécifique à certaines parties de sa patrie ancestrale. De fait, ces droits autochtones du peuple juif ont encore de signification politique et juridique dans le litige en cours sur le refus de la plupart des Musulmans et Arabes à reconnaître la légitimité et la permanence d'Israël comme l'Etat juif.
Israël comme l'Etat juif
La plupart des Juifs du monde considèrent Israël comme l’Etat juif, c’est-à-dire l'expression politique de l'auto-détermination du grand peuple juif dans une partie de sa patrie autochtone. Comme les autres peuples, le peuple juif a droit à l'auto-détermination. Bien que l'auto-détermination du grand peuple arabe se soit exprimée à travers les 21 pays arabes, Israël est la seule expression de l'auto-détermination du grand peuple juif. Certains penseurs occidentaux n'acceptent désormais l'idée d'un État-nation comme patrie d'un peuple particulier. Si c'est le cas, ce n'est pas de la faute d'Israël, parce que beaucoup de pays modernes sont des Etats-nations. Le Japon, l'Italie, la Grèce et les pays de la Ligue arabe sont des Etats-nations par exemple.
En théorie et en pratique, le modèle d’Etat-nation ne doit pas entrer en conflit avec les droits fondamentaux des étrangers ou des citoyens qui ne s'identifient pas ethniquement comme membres du peuple majoritaire. Par ailleurs, l'État-nation peut également établir des droits collectifs pour un ou plusieurs peuples minoritaires. En ce qui concerne ces droits individuels et collectifs, le droit interne en Israël est bien comparable à ce qui est prévu par d'autres systèmes juridiques, et même supérieur à ce qui est offert dans d'autres États du Moyen-Orient.
Les origines dans l'Empire ottoman
Jusqu'à la fin de la Première Guerre mondiale, la Terre Sainte était une partie de l'Empire ottoman. Ainsi, Israël et deux douzaines d'autres pays modernes se trouvent États successeurs de l'Empire musulman ottoman, qui pendant 400 ans (de 1516 à 1920) constituait la principale puissance du Moyen-Orient. Mis à part les Turcs qui détenaient le pouvoir politique, la population ottomane comprenait un gamme de peuples comme les Grecs, les Serbes, les Vlachs, les Bulgares, les Tsiganes, les Albaniens, les Arméniens, les Coptes, les Kurdes, les Arabes et les Juifs. Pendant des siècles, ces Juifs vivaient en grand nombre dans une variété de lieux ottomans, y compris en Constantinople, à Salonique, au Caire, à Alexandrie, à Damas, à Alep, à Mossoul, à Bagdad, à Bassora, à Tibériade, à Hébron, à Safed, à Jaffa et à Jérusalem.
En Octobre 1914, l'Empire ottoman choisit d'entrer dans la Première Guerre mondiale pour lutter contre la Grande-Bretagne et ses alliés. Lorsque les hasards de la guerre ont commencé à favoriser l'armée britannique, le gouvernement à Londres a abordé la question de savoir ce qu’il allait faire avec les terres ottomanes plurinationales. Même si l'avancement des intérêts britanniques était primordial, également être pris en compte était le principe de l'auto-détermination des peuples qui, au cours du 19e siècle était devenu familier comme doctrine politique libérale. À cet égard, le père du sionisme politique moderne, Théodore Herzl avait déjà proclamé dans son manifeste de 1896,
L'État juif, que les Juifs constituaient "un" peuple à fins d'auto-détermination, bien qu’ils vécussent dans de nombreux endroits différents autour du globe.
Pourquoi la Déclaration Balfour?
En Octobre 1917, le cabinet britannique a décidé d’approuver le projet de créer "un foyer national pour le peuple juif.” Le lieu devait en être "la Palestine,” un pays alors inexistant et de taille incertaine, mais qui a finalement été défini par la Société des Nations en 1922 comme "le Mandat Palestinien," une jurisdiction tout à fait nouvelle qui comprenait aussi l'emirat arabe de Transjordanie déjà formé en 1921.
La promesse britannique d’user de leurs "meilleurs efforts" pour créer "un foyer national pour le peuple juif" a été motivée par un désir d'aider à réaliser l’ancienne réclamation du peuple juif à l'auto-détermination dans sa patrie autochtone; mais aussi par un désir de consolider le soutien juif dans la Russie révolutionnaire et aux Etats-Unis pour l’effort de guerre des alliés; et pour aider à mieux couvrir le flanc oriental du canal de Suez, qui était alors le passage crucial à l'Inde britannique. L'intention de créer ce "foyer national pour le peuple juif" a été annoncée en Novembre 1917 dans la Déclaration Balfour.
Un peuple palestinien en 1919?
Pendant que la Grande-Bretagne travaillait à vaincre les Turcs ottomans, le monde a aussi commencé à entendre les revendications nationales du grand peuple arabe. On doit se rappeler les exploits de guerre de Lawrence d'Arabie et de Fayçal ibn Hussein, prince hachémite, qui étaient tous deux présents à la Conférence de Paix de Paris de 1919-1920. Là, un puissant projecteur a été placé sur la doctrine de l'auto-détermination des peuples, dont notamment les revendications du grand peuple arabe.
Cependant, personne à la Conférence de Paix n'avait jamais entendu d’un peuple “palestinien” distinct. Si un tel peuple avait existé, le prince Fayçal, le président américain Woodrow Wilson, le Premier ministre de la France Georges Clémenceau, le premier ministre britannique David Lloyd George et d'autres l’auraient su. Cet avis est confirmé par les nombreux témoignages et pétitions de locaux recueillis en 1919 par la Commission King-Crane américaine. Son rapport au président Wilson a indiqué que les Arabophones de la Terre Sainte, qu'ils soient Musulmans ou Chrétiens, ont explicitement rejeté tout plan visant à créer un nouveau territoire appelé “La Palestine,” qu’ils percevaient comme faisant partie du projet sioniste haï. Tout au contraire, la plupart des Arabophones locaux ont été, dit-on, enthousiastes à l’idée de leur incorporation dans un nouvel Etat arabe unitaire avec frontières, ce qui aurait correspondu à la région de Syrie qui toujours prenait grand place dans le cadre de l'histoire islamique et ottomane. Pendant des siècles cette région de Syrie avait inclus ce qui est aujourd'hui la Syrie, le Liban, la Jordanie, la Cisjordanie, Gaza et Israël.
Pour les Musulmans vivant en Terre Sainte, cette perspective géographique plus large d'auto-identification était tout à fait naturelle, car l'Empire ottoman ne comportait aucune province ou sous-unité appelée "Palestine" d’aucune forme. L'histoire musulmane n’avait jamais connu non plus d'état ou province appelé "Palestine." Après la conquête arabe du 7e siècle, le califat avait gardé le toponyme romain-byzantin "Palaestina," arabisé en "Filastin," pour désigner une sous-province ou conté
(jund) qui couvrait des deux rives du Jourdain. Mais cette
jund Filastin représentait une fraction de la Palestine des Byzantins -- laquelle fut imaginée travers les siècles sur de cartes chrétiennes, et finalement concrétisée en 1922 comme la Palestine mandataire, une jurisdiction tout à fait nouvelle qui comprenait la Transjordanie et "un foyer national pour le peuple juif" du Jourdain à la mer.
L’exercice mondial de l’auto-détermination
La Conférence de paix de Paris s’est attachée à concilier les intérêts politiques suite à la victoire des puissances alliées, avec les revendications d'auto-détermination des peuples connus pour leur longue lutte pour reconnaissance nationale et leur souffrance sous l'oppression étrangère. C’est ainsi qu’elle s’est penchée sur des questions difficiles et enchevêtrées comme l'auto-détermination de peuples célèbres, incluant les Chinois, les Polonais, les Allemands, les Finlandais, les Lettons, les Estoniens, les Lituaniens, les Tchèques, les Slovaques, les Slovènes, les Croates , les Serbes, les Italiens, les Hongrois, les Roumains, les Bulgares, les Grecs, les Turcs, les Kurdes, les Arméniens, les Arabes et les Juifs. Dans ce contexte, l’une des nombreuses décisions prises fut la création d'un "foyer national pour le peuple juif." Il est à noter que "foyer national pour le peuple juif" fut l'expression exacte, réitérée dans une série de déclarations, résolutions et traités de 1917 à 1922, finalement endossée dans le traité de Lausanne (1923) par la République turque comme état successeur à l'Empire ottoman. Et précisément à cet égard, il convient de noter que les traités ne tombent en désuétude et qu'ils occupent le premier rang parmi les sources et preuves du droit international public.
Pourquoi un foyer national pour le peuple juif?
La décision de réaliser l'auto-détermination du peuple juif dans sa patrie autochtone était la justification pour la création en 1922 d'un "foyer national pour le peuple juif" entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Avec statut juridique équivalent à un traité multilatéral, le Mandat Palestinien de la Ligue des Nations (le 24 Juillet 1922) a doté le gouvernement britannique avec une jurisdiction tout à fait nouvelle qui comprenait à la fois la Transjordanie et le foyer national pour le peuple juif. En 1946, un traité a séparé la Transjordanie de la Palestine mandataire pour devenir l'Etat arabe indépendant alors connu comme “le Royaume hachémite de Transjordanie.” En 1948, le foyer national pour le peuple juif est devenu l'Etat juif indépendant appelé "Israël."
Les décideurs à la Conférence de Paix savaient que la Terre Sainte était nettement sous-développée et sous-peuplée. Ils ont aussi compris que le "foyer national pour le peuple juif" manquerait initialement d'une population juive majoritaire. Toutefois, la décision de créer "un foyer national pour le peuple juif" a été faite non pas tant sur la base de données démographiques locales, mais sur la reconnaissance de la réclamation du grand peuple juif à affirmer ses liens historiques à sa patrie autochtone. D’importance a également été donnée à des considérations plus larges, c'est-a-dire la politique et la justice sociale, à l’échelle à la fois mondiale et du Moyen-Orient. Ce fut donc un choix conscient de faire référence non seulement aux environ 85,000 Juifs qui vivaient alors sur place -- mais aussi au passé, au présent et à l'avenir de 14 millions de Juifs dans le monde entier, et notamment au million de Juifs qui vivaient alors dans le Proche et le Moyen-Orient.
Les Arabes méritaient-ils tout le Moyen-Orient?
Ne pas créer un foyer national pour le peuple juif aurait signifié nier au grand peuple juif sa part dans la partition de l'Empire ottoman plurinational, où les Juifs avaient vécu pendant des siècles, y compris en Terre Sainte. Ne pas créer un foyer national pour le peuple juif aurait également signifié que le grand peuple arabe aurait reçu la quasi-totalité de l'héritage ottoman. Ce résultat aurait été inacceptable pour David Lloyd George, Woodrow Wilson et leurs pairs, qui avaient bien compris que la revendication d'auto-détermination du grand peuple juif était aussi convaincante que celle du grand peuple arabe.
Les décideurs à Paris ont vivement tenu à dire qu'ils avaient aussi rendu justice aux revendications nationales du grand peuple arabe. Ils pensaient les avoir libéré de 400 ans de domination turque et aidé sur le chemin de l'indépendance par création ou reconnaissance de plusieurs nouveaux Etats arabes sur des terres qui avaient été soumises auparavant au sultan ottoman. Ainsi, 77% du territoire de la Palestine mandataire était la Transjordanie, qui est finalement devenue un Etat arabe indépendant en 1946.
La décision de créer un foyer national pour le peuple juif, entre le Jourdain et la mer Méditerranée n'a pas entraîné le déplacement d'Arabes locaux. Au contraire, à partir de 1922 et jusqu'en 1948, la population arabe du "foyer national pour le peuple juif" a presque triplé, tandis que la population juive s’est vue multipliée par huit.
En mai 1948, les Arabes locaux se sont alliés avec plusieurs États arabes afin de lancer une guerre pour détruire l'Israël nouvellement indépendant. Leur intention déclarée était d'exterminer tous les Juifs vivant entre le Jourdain et la mer Méditerranée -- tout comme les Turcs en 1922 ont spectaculairement réussi à éliminer les communautés autochtones grecques du littoral anatolien. Ainsi c'est à partir de Mai 1948 qui vient le problème des réfugiés -- Juifs en provenance des pays musulmans et arabes (environ 850,000) et Arabes en provenance du "foyer national pour le peuple juif" (environ 600,000).
Les Palestiniens parmi les plus récents peuples du monde
Le peuple juif a gardé le même nom et la même identité subjective et objective depuis les temps anciens. Chez les Arabes musulmans locaux par contre, la formation d'une identité palestinienne distincte, subjective et objective, n'a généralement pas pu se produire avant la deuxième moitié du 20e siècle. Ceci est tout à fait compréhensible, car l’ethnogenèse prend du temps et seulement un demi-siècle sépare l'effondrement Ottoman de la guerre des Six Jours (1967). Par ailleurs, relativement peu d’Arabes musulmans souhaitaient s'auto-identifier comme "Palestiniens" avant que trois conditions préalables soient satisfaites.
La première condition était la résurrection politique de l'ancien toponyme "Palestine" à travers la Déclaration Balfour de 1917 et la création en 1922 de la Palestine mandataire qui se composait de la Transjordanie et du foyer national pour le peuple juif, entre le Jourdain et la mer Méditerranée.
La seconde condition était la soustraction de la Transjordanie de la Palestine en 1946. Par la suite, la nouvelle identité palestinienne serait focalisée spécifiquement sur le territoire du "foyer national pour le peuple juif," ce veut dire cette plus petite Palestine du Jourdain à la mer Méditerranée qui n'éxistait que de 1946 à 1948, entre les naissances respectivement du Royaume hachémite et d'Israël. Avant 1946, la ligne du Jourdain avait bien peu de signification pour la plupart des Musulmans qui vivaient sur ses deux rives -- c'est-à-dire, l'idée de la Palestine était alors géographiquement ambiguë et n'avait pu exercer grande influence sur la formation de l'identité nationale des Musulmans locaux. Ce facteur a été implicitement reconnu par la Commission britannique Peel, qui a recommandé en 1937 la création d'un nouvel état "arabe" par la conjugaison de la Transjordanie avec des territoires à l'ouest du Jourdain principalement habités par les Arabes.
La troisième condition a été l’abandon en 1948 du toponyme Palestine en faveur d'Israël pour désigner le nouvel Etat juif indépendant. Avant 1948, l'adjectif "palestinien" était souvent utilisé comme synonyme de "juif" et il y avait alors une tendance à des tiers pour décrire les Juifs comme aussi des Palestiniens. De fait, le nom "Palestine" et de nombreuses autres fonctionnalités spécifiques de la Palestine mandataire étaient alors trop étroitement identifiées avec les Juifs et le sionisme pour pouvoir offrir un foyer attirant pour l'auto-identification de la plupart des Arabes locaux. En conséquence, avant 1948, ils n'ont pas pu généralement s'identifier comme "Palestiniens" et ont donc préféré des éléments d’identification géographiques, ethniques ou idéologiques bien plus larges.
Le peuple palestinien vers les années 1960
Les dirigeants arabes eux-mêmes ont été lents à reconnaître l'existence et le droit à l'auto-détermination d'un peuple palestinien distinct. Le Prince Fayçal par exemple, en tant que leader arabe principal à la Conférence de Paix de Paris, avait expressément accepté le plan pour créer en Palestine "un foyer national pour le peuple juif.”
Environ trois décennies plus tard, les gouvernements de l'Egypte et de la Jordanie ont montré le peu d'égard qu'ils avaient pour l'auto-détermination d'un peuple palestinien. Ils ont d’abord rejeté la résolution de 1947 de l’Assemblée générale des Nations Unies, résolution recommandant la partition du territoire entre le Jourdain et la mer en deux nouveaux états indépendants, "l'état juif" et "l'état arabe." Deuxièmement, aucun Etat palestinien ne fut créé entre 1949 et 1967, lorsque l'Egypte détenait la bande de Gaza et que la Jordanie détenait la Cisjordanie et une partie de la ville de Jérusalem.
La perte de ces territoires par l'Egypte et la Jordanie lors de la guerre des Six Jours (1967) a fortement encouragé les Arabes locaux à se considérer comme distincts des Arabes de l'Egypte et la Jordanie. Brandissant maintenant le fer de lance de leur lutte irrédentiste propre, les Arabes locaux ont rajouté une incitation à s'auto-identifier comme Palestiniens." D'autant plus que leur nouvelle identification exprimait leur détermination obstinée à maîtriser l'ensemble du territoire qui avait été reconnu comme "foyer national pour le peuple juif." Certes, l'histoire connaît d'autres cas de nouvelles identités nationales forgées dans le feu de la dispute territoriale et de la haine ethnico-religieuse.
Réconciliation pacifique des droits
Cette analyse ne cherche ni à nier l'existence actuelle d'un peuple palestinien distinct ni à suggérer que ce nouveau peuple palestinien soit aujourd'hui dépourvu de droits, incluant celui de revendiquer l'auto-détermination, l'indépendance et de territoire. Au contraire, la conclusion est qu'il y a maintenant des revendications des deux côtés. Honorant la dignité des deux peuples, il y a un impératif moral et juridique d'instaurer un processus -- obligatoirement pacifique -- en vue de concilier les droits ultérieurs du peuple palestinien avec des droits antérieurs du peuple juif.
Le processus doit absolument être non-violent
inter alia parce que les droits autochtones du peuple juif certainement incluent leur "droit à la vie," à savoir le droit des Juifs à vivre en sécurité dans leur patrie ancestrale. Ce qui signifie que ce peuple nouvellement baptisé "palestinien" n'a pas le droit de mener une guerre de libération nationale contre le peuple juif, qui est légitimement établi entre le Jourdain et la mer Méditerranée. Le peuple juif y vit "de plein droit et non par tolérance," comme l'a dit Winston Churchill en 1922.
Esquissant un traité de paix
Dans tout accord de paix complet et définitif conclu
aujourd'hui, la mise en œuvre de la doctrine de l'auto-détermination des peuples exigerait probablement que les Juifs renoncent à la plupart de leurs droits autochtones sur territoires
aujourd'hui habités majoritairement par des Palestiniens qui souhaitent vivre dans un nouvel Etat palestinien. De même, le principe de l'auto-détermination exigerait probablement l'inclusion au sein d'Israël des territoires
aujourd'hui habités majoritairement par des Juifs.
Un traité de paix pourrait également s'appuyer sur les droits autochtones juif et issus de traités d'inclure garanties spécifiques que les Juifs ont accès libre et sécurisé à certains sites religieux, sacré pour le judaïsme depuis plus de deux millénaires. Cet aspect important probablement aurait un impact particulier à Jérusalem, mais aussi dans certains autres endroits.
Enfin, l'auto-détermination, les traités et les droits autochtones juifs se combinent pour plaider en faveur de garanties importantes pour s'assurer que le nouvel Etat palestinien ne pourrait jamais être un tremplin à la destruction d'Israël. Parce que les Juifs demeurent un petit peuple autochtone dans le grand monde musulman et arabe, un traité de paix complet et définitif doit probablement inclure de dispositions en matière de sécurité. Celles ci seraient d'un caractère militaires. Mais de plus, la sécurité des Juifs probablement exigerait un article qui reconnait sans équivoque la légitimité et permanence d'Israël comme l'Etat juif, c'est à dire comme l'expression politique de l'auto-détermination du peuple juif dans une partie de sa patrie autochtone.